Michel ADANSON (1727-1806), botaniste, il explora le Sénégal durant 5 ans.
Lettre autographe signée « à l'ami bienfaisant du Philosophe » [Bélanger]. 3 pp. in-4. Paris, 4 février 1796 (15 pluviôse an 4). Adresse au dos.
Très longue et superbe lettre toute consacrée à son projet d'une très vaste publication encyclopédique, englobant les 3 règnes de la nature, qu'il défendait depuis 20 ans et qui ne vit jamais le jour. « […] 1° du plan ou de la méthode, 2° de l'étendu ou du contenu, 3° du mode ou de la manière d'exécution de mon Encyclopédie universelle fondée sur les principes d'une philosophie entièrement neuve, celles des ensembles des rapports de toutes les parties, qualités et puissance de chacune des 80 mille espèces d'existences, rangées, d'après leurs différences, suivant une série graduée et nuancée, de manière que l'on ne puisse déplacer une seule de ces existences sans déranger l'ordre des nuances de leurs différences indiqué et fixé par la nature même de ces existences. C'est dans ces différences spécifiques des 80 milles espèces d'existences (bornées jusqu'ici à 15 ou 20 mille au plus, dans le catalogue le plus étendu du célèbre Linné) et de toutes leurs qualités et puissances que consistent l'essence et les définitions de chacun des cent mille articles des connaissances humaines, choisis parmi les 2 à 3 millions du fonds immense de cette philosophie universelle, définitions que les sçavans ont désiré et attendu si vainement depuis le Prince des Philosophes Aristote, et dont on ne pouvoit espérer l'exécution que dans un ouvrage de cette étendue, embrassant plus des ¾ des existences de notre globe. Ce nombre d'existences inconnues jusqu'à ce jour, pour la plus grande partie, et certainement non développées ainsi dans tous leurs rapports et leurs définitions ainsi nuancées et portées à un nombre pour ainsi dire immense et accablant pour la mémoire même la plus étendue, sont un point culminant de connaissances auquel le Philosophe universel une fois parvenu, n'admire plus rien, n'apprend presque plus rien, ne voit plus que des remplissages, quelques vides à remplir, dont les plus essentiels sont moins les 20 ou 30 mille existences inconnues (qui manquent et restent à rechercher et trouver pour compléter cette série de 80 mille jusqu'aux 100 mille environ qui composent notre globe) que les faits ou principes nouveaux et utiles […]. Tels sont les principes nouveaux qui servent de base la plus solide et la plus étendue à la méthode de cette philosophie universelle encyclopédique ; tels sont les résultats utiles des définitions de toutes les connaissances humaines, enfin fixées par elles depuis 25 ans (en 1775) où j'en lus le plan très détaillé le 15 février 1775 en 18 pag. in-4° à l'Académie des sciences, et qui fut imprimé avec le rapport de ses commissaires en 4 pages […]. Il seroit essentiel que vous et vos estimables et bienveillants amis, vinssent un jour, ou même de suite, après notre déjeuner philosophique, entre 3 ou 4 heures, au plus tard, jeter au moins un 1er coup d'œil sur cette 30ne d'articles plus généraux de cette Encyclopédie, sur la collection unique de 80 mille figures, sur les suites, aussi complètes que précieuses par leurs notes, des objets de son cabinet, ses articles nombreux ajoutés et corrigés sur l'Encyclopédie fameuse du génie Diderot. Me voici donc à l'aurore de ce beau jour qui doit me réunir, sur ce globe, dans l'heureux séjour de l'amitié bienfaisante, avec les talents estimables de ces hommes aussi vertueux qu'éclairés et protecteurs bienveillants du philosophe septuagénaire, et le faire jouir, pour la 1ère fois de ce bonheur qu'il a sacrifié et perdu en s'occupant toute sa vie du bonheur de l'humanité entière ! […] »
[Le 15 février 1775 Adanson soumit à l'Académie des sciences le plan d'une œuvre immense, couvrant tous les êtres connus. Elle consistait en 27 gros volumes expliquant les relations entre toutes les entités ; il y avait cent cinquante volumes supplémentaires, consacrés à 40 000 espèces, un glossaire de 200 000 mots, des mémoires particuliers, 40 000 figures et 30 000 spécimens des trois règnes de la nature. Un comité conseilla fortement à Adanson de publier séparément tout ce qui était de son cru, laissant de côté ce qui n'était que compilation. Adanson rejeta obstinément le conseil, et le travail, qu'il poursuivit et auquel il consacra ses ressources, ne fut jamais publié. À cette époque, le jeune mais ambitieux Antoine-Laurent de Jussieu, neveu de Bernard de Jussieu, considérait la classification proposée par Adanson comme une copie de celle proposée par son oncle alors qu'elle résultait plutôt de leur coopération passée ; toutefois, l'ouvrage d'Adanson venait d'ouvrir la voie au sien, Genera plantarum (1789)].